Au printemps 1853, en Allemagne, les paquebots en provenance
de New York introduisent la pratique américaine des tables
tournantes, qui s'apprête à déferler sur l'Europe et devenir l'une
des plus grandes modes du XIXe siècle. Pendant près d'un an, de
Napoléon III à la reine Victoria, de Victor Hugo aux plus modestes
bourgeois de province, toute l'Europe ou presque a fait tourner et
parler les tables. Les contemporains, convaincus des progrès de la
raison dans le siècle, ne se souvenaient pas d'avoir jamais assisté à
pareille flambée de crédulité collective.
Or, loin de s'essouffler, la pratique a duré et s'est enracinée, surtout
en France où elle a donné naissance au spiritisme proprement dit, à
la fois mouvement organisé et véritable phénomène de société. À ce
titre, et parce que ces mystérieuses communications avec l'au-delà
avaient partie liée avec la mort et la maladie, la religion et la spiritualité,
la science et la politique, la famille et l'amour, le spiritisme
est un remarquable révélateur des tendances profondes de l'époque.
Saisi à l'apogée de sa ferveur, il éclaire la face nocturne d'une société
qui, confrontée à des bouleversements considérables, tiraillée entre
tradition et modernité, voit soudain, à sa grande stupeur, remonter
ses hantises à travers ses fantômes.
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