Lorsqu'une voix basse capte votre attention, le tintamarre ordinaire ne pèse subitement plus rien. Les silences eux-mêmes sont écoutés comme ils doivent l'être. On songeait à tout cela, en écoutant, le jeudi 10 octobre sur France Culture, l'émission de Francesca Piolot, La Vie comme elle va. L'invité du jour, le poète Patrick Laupin, y parlait de la mémoire des mineurs de fond des Cévennes. Sans doute a-t-il fallu la patiente alchimie de la poésie pour être capable d'évoquer avec une telle puissance cet ensevelissement d'une classe ouvrière dans l'oubli contemporain - ou le mépris ambiant. On n'était cette fois ni dans la politique, ni dans la colère ou dans le ressentiment, mais dans la mémoire partagée. Il désignait en somme ces blessures intimes - et ces peurs - que le journalisme est impuissant à dire. Cette voix parlant « dans le poste », cet auteur rare confiant simplement ses phrases au micro nous devenaient soudain très proches.
Jean-Claude Guillebaud,
Le Nouvel Observateur du 26 octobre 2002
La prose de Patrick Laupin est ici comme une galerie où se répète, à l'infini et à jamais, l'écho des heurts et des éclats qui jadis résonnaient dans la salle profonde - ainsi, aujourd'hui encore, s'extrait, intuition parfaite, inexplicable liberté, le charbon de la mémoire. Écrire, oui, c'est cela : amonceler la langue sur des berlines, et faire, des hommes aux hommes, passer la réponse muette à une « impossible question ».
Mathieu Bénézet
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