«Façonner le monde atome par atome» : tel est l'objectif
incroyablement ambitieux affiché par les promoteurs américains de
la «National Nanoinitiative», lancée en 1999. Un projet global de
«convergence des sciences», visant à «initier une nouvelle
Renaissance, incorporant une conception holiste de la technologie
fondée sur [...] une analyse causale du monde physique, unifiée
depuis l'échelle nano jusqu'à l'échelle planétaire.» Ce projet
démiurgique est aujourd'hui au coeur de ce qu'on appelle la «technoscience»,
étendard pour certains, repoussoir pour d'autres.
En précisant dans ce livre la signification de ce concept, pour
sortir enfin du sempiternel conflit entre technophiles et technophobes,
son auteur propose d'abord une sorte d'archéologie du
terme «technoscience». Loin d'être un simple renversement de
hiérarchie entre science et technique, il s'agit d'un changement de
régime de la connaissance scientifique, ayant désormais intégré la
logique entrepreneuriale du monde des affaires et mobilisant des
moyens considérables. Surtout, Bernadette Bensaude-Vincent
montre que le brouillage de la frontière entre science et technique
n'est que la manifestation d'un tremblement plus général, marqué
par l'effacement progressif des distinctions traditionnelles : nature
/ artifice, inerte / vivant, matière / esprit, homme / machine, etc.
Alors que nos sociétés sont silencieusement reconfigurées par les
nanotechnologies, Internet, le génie génétique ou les OGM, ce livre
montre l'importance de faire enfin pleinement entrer les questions
de choix technologiques et scientifiques dans la sphère du politique
et dans l'arène publique. Car la technoscience est un processus historique
qui engage la nature en la refaçonnant et qui implique la
société dans son ensemble.
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