Enfin, dira-t-on, la poésie de Paol Keineg est à présent lisible
dans son empan ! Et ce volume prouve que pour avoir attendu
on n'en est pas moins récompensé ; quelque chose en effet
avait disparu du paysage prosodique contemporain puisque
près de vingt années de publications manquaient au lecteur
d'aujourd'hui - soit une dizaine de livres, et de ceux qui
avaient fondé justement la réputation de ce poète, reconnu à
24 ans lorsqu'il publia ce qui sembla à certains un brûlot :
Le poème du pays qui a faim (1967). Il s'agissait plus purement
d'une entrée forte dans la poésie, dans l'aventure de la langue,
et chez Keineg cela a un sens particulier puisqu'il se débat avec
deux idiomes (sa revendiquée diglossie !). Mais quoiqu'il ait
écrit et publié dans la langue de sa source finisterrienne (on
en pourra lire dans cette anthologie), c'est malgré tout dans
celle de Corbière, de Guillevic et de Perros qu'il s'échine au
travail majeur. Comme en un combat qu'il croit toujours perdu
d'avance («le peut pas grand-chose de la poésie») mais dont
les poèmes - ses preuves - attestent que des légendes exemplaires
de la constellation celtique à l'affection reconnue pour le
porc, les femmes et les oiseaux, c'est bien toujours le même
bonhomme (le «plouc», dixit) qui depuis la nuit des temps
d'avant Arthur se botte l'arrière-train pour comprendre ce qu'il
fait là ! D'où cette poésie qui renaude (parfois crûment), qui
houspille (soi-même avant tout), qui se moque mais qui sait
tout autant aimer - toutes ses humeurs par quoi le poète
pense (et pèse) l'homme sous son monde.
François Boddaert
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