Jean l'Alsacien adore la France mais les Français l'ont parfois repoussé. Il n'aime guère les Allemands mais l'Allemagne l'a toujours attiré. Son grand-père Jean-Baptiste a combattu sous Mac-Mahon, son oncle Jules était poilu de Verdun, son oncle Louis portait le casque à pointe, son cousin Hubert est mort en blouson de maquisard, son cousin Pierre en uniforme de la Kriegsmarine, son cousin Camille en droguet de déporté, c'était comme ça dans cette sacrée province, on changeait constamment d'uniforme. Certes, il y avait aussi le costume régional que portent encore les serveurs de brasserie et les groupes folkloriques mais Jean le trouve beaucoup trop boutonné. Alors il a choisi la seule tenue qui ne cache rien : il se présente tout nu. Français du côté face, un peu teuton du côté pile et, pour ce qui est de l'âme ou de l'intérieur, cent pour cent alsacien. On peut même ajouter, puisque les temps y invitent, européen.
Car si l'histoire déferle sur la famille de Jean comme les vagues sur le rocher, le rocher demeure insubmersible et la famille n'attend pas que l'Histoire se calme pour retrouver le bonheur sous les tilleuls. Dans ce livre qui commence dans la liesse d'un repas de funérailles, le malheur a beau rôder entre les lignes et parfois s'étaler en pleine page, c'est toujours la gaieté qui l'emporte. Il faut dire qu'elle sort naturellement du cœur de l'Alsacien.
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