Kourouma
Par sa manière iconoclaste d'interroger la condition nouvelle de l'homme africain au lendemain de la décolonisation, l'oeuvre atypique d'Ahmadou Kourouma peut se lire comme une vaste et patiente entreprise de démystification. Elle se déploie sur plusieurs décennies, et se décline en une variété de thèmes dont cet opus offre une belle vision d'ensemble.
Les Soleils des indépendances (1970) décrivent les profonds bouleversements que subit la République de la côte des ébènes depuis son accession à l'indépendance. On y suit le destin de Fama, prince déchu qui respecte malgré tout la tradition des anciens. Dans Monnè, outrages et défis (1990), c'est le roi Djigui Keita qui devient malgré lui le complice des envahisseurs et conduit son peuple à la monnè (outrage en malinké) de la colonisation. En attendant le vote des bêtes sauvages (1998) nous livre le portrait ubuesque d'un dictateur, tandis que, dans Allah n'est pas obligé (2000), Birahima, un enfant-soldat du Libéria, raconte comment il est obligé de tuer pour survivre, avant de réapparaître dans Quand on refuse on dit non (2004). Figure ici également l'unique et sulfureuse pièce de théâtre de l'écrivain, Le Diseur de vérité (1998).
Qu'il s'agisse de l'échec des élites politiques, de la question de l'identité d'un continent tiraillé entre tradition et modernité, de la place de la femme dans des sociétés en mutation ou encore de la cruauté de régimes prêts à enrôler leurs propres enfants dans de sanglantes guerres fratricides, toutes ces oeuvres témoignent du génie lucide d'un auteur dont l'imaginaire puissant n'a cessé d'explorer et d'interroger les méandres de l'histoire tout en dénonçant les travers, les mensonges et les faux-semblants.
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