Les silences du père
On ne porte pas le vrai nom de son père. On approche la soixantaine quand on l'apprend. On part, en famille, en Biélorussie, pays des origines, à la recherche de ce père. On ignore alors ce que, dans ses silences, le père pouvait cacher.
Extraits
« C'est le soir du pendu que probablement Evdokia a su, comme savent les mères, qu'un jour vient où elles ne peuvent plus chasser les loups dans la nuit noire, qu'il faut renoncer à l'enfant pour que les rois Salomon rouges et blancs l'épargnent et Evdokia, le soir, a préparé les habits de Maxime, l'a étreint au matin longuement et quand il s'est éloigné, longuement elle l'a embrassé du regard et ensuite, après qu'il a disparu, elle a commencé à pleurer. »
« Quand elle entendait à la radio les premières notes de la chanson « Les Roses Blanches », ma mère s'empressait de tourner le bouton. Mon père ne pouvait écouter la complainte sans fondre en larmes et nous assistions en témoins importuns à son chagrin dernier. J'étais accablé par la même terrible impuissance lorsque mon père, saisi d'une de ses crises de paludisme, grelottait fiévreusement puis suait sous la couverture dont ma mère recouvrait hâtivement son corps. Le passé ne le lâchait pas, s'inscrivant dans sa chair comme les varices, causées selon lui par le port de la lourde mitrailleuse et les longues stations debout, qui dessinaient sur ses jambes de proéminentes sinuosités bleues. »
« Tu as joué dans un film à Moscou, m'apprends-tu incidemment, as jugé l'expérience passionnante ajoutes-tu, évoquant avec un rare enthousiasme les trucages et trompe-l'oeil. Je ne saurai rien de plus de ton aventure cinématographique, les rares évocations de ton passé semblent suspendues dans un temps sans date, un peu comme les séquences d'un rêve. »
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