Où en est la littérature narrative française depuis les années 1980 ? Pour le savoir, cet essai étudie l'œuvre de trois écrivains déterminants et leur projet respectif : l'investigation ironique des usages contemporains et des coutumes littéraires par Jean Echenoz ; la volonté propre à Hervé Guibert de se connaître, qui le conduisit à transgresser les contours convenus de l'autoportrait, à prospecter les envers de l'humain décor ; l'assimilation d'une érudition des plus éclectiques par Pascal Quignard, et son actualisation en fonction d'obsessions rémanentes. Représentatives par leur distinction même des différentes orientations littéraires en cours, ces trois oeuvres permettent aussi de dégager quelques tendances esthétiques. Des formes classiques de fiction ressurgissent, dans la parfaite mémoire des avant-gardes qui les ont tout au long du siècle dernier contestées : simultanément les romans énoncent et dénoncent le romanesque. Un renouvellement des pratiques autobiographiques s'observe aussi, qui refuse toute approche constituée du Sujet et déstabilise l'idée d'identité autant qu'il aide à la constituer. Récits indécidables, pour ces raisons : à toute position formelle, thématique, sémantique fixe, ils préfèrent les postures mouvantes, volontiers paradoxales. Cette nature ambiguë en fait par excellence des passeurs pour temps indécis. L'esthétique littéraire contemporaine, loin des frivolités qu'on lui reproche parfois, porte ainsi à la légère une réelle densité, culturelle et ontologique.
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