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Joignant les mains de sa fille à celles du guerrier qu'il lui a choisi pour époux, le comte marieur accomplit un rite ancestral. Il met, en outre, sur pied une stratégie qui apporte des terres, de l'or et des troupeaux aux siens, qui gagne de nouveaux fidèles à son réseau de clientèle, et qui donne la continuité d'une progéniture à sa lignée. Au cours des âges, la politique matrimoniale change dans les maisons comtales catalanes : mariage des consanguins, au sein du cousinage des années 870-930 ; mariage à une femme étrangère - ou bien à un vicomte ou à un châtelain - entre 930 et 1080 ; mariage conquérant, rassembleur de royaumes et de comtés au profit de la dynastie de Barcelone, vers 1080-1210. Au service d'une politique, les noces du comte ne coïncident pas toujours avec l'éthique de l'Église, qui préconise le libre choix du conjoint, qui empêche la répudiation arbitraire, et qui interdit l'union entre proches parents. Autour de l'an mil, la comtesse reçoit, pour son mariage, un douaire, l'usufruit d'un patrimoine consistant. À l'instar d'Ermessende de Carcassonne - ou d'Almodis de la Marche - elle seconde son mari dans le gouvernement de la principauté, et dans la gestion du domaine comtal. Devenue veuve, elle assume la tutelle de ses fils, dont l'émancipation ne va pas sans violence. Elle ouvre des églises, fonde des monastères, et encourage la réforme grégorienne. Mais, au XIIIe siècle, son statut se détériore : les malheurs de Maria de Montpellier présagent l'abaissement imminent de la condition féminine. Le mariage prend une place centrale dans l'imaginaire aristocratique. Des comtesses aux mille visages peuplent la littérature : la riche héritière, épousée par un aventurier venu de France combattre les Musulmans, l'impératrice calomnieusement accusée d'adultère, sauvée au cours d'un duel judiciaire, la femme étrangère tentant d'empoisonner son mari pour rejoindre le chambellan du califat de Cordoue, les cent vierges données en tribut à l'émir… L'amour courtois, chanté par nos comtes-troubadours, apparaît comme le dernier de ces rêves, fuyant la triste réalité d'un mariage contraint et forcé.