Les morts nous quittent aussi se présente comme un diptyque de fureur, de désespoir mais aussi de transmutation de la rage de vivre en espoir, cette « opération d'amour » qu'évoque Juan Gelman. Les tragédies incontrôlables s enchaînent avec une célérité inexorable. Les peuples sont broyés, anéantis par les dictatures. Le destin est partout. La violence est partout. Dans un climat de terrorisme et de tortures surgissent des figures comme investies de la rage des peuples, la poétesse Alejandra Pizarnik hantée par la Shoah et Piri Lugones héritière d'une famille de « monstres » subissent l'envoûtement d'une mémoire à la dérive, séquestrée qui tient lieu de mère, de piège, de miroir. Les tenailles de l'humiliation agrandissent la cicatrice originelle de l'Argentine des années 70. Face à la terreur, la poésie est refus et transfiguration. Une insurrection brûle dans les corps mutilés, une force de résistance qui hurle face à la dictature militaire. Le temps est l'échelle de Jacob que le poète monte et descend pour échapper à l'enfer. C'est bien d'une chronique de l'enfer qu'il s'agit mais aussi du seul refuge possible : la lumière de l'enfance perdue. Deux figures de femmes se répondent à travers la mémoire collective du pays, de la douleur et du deuil de l'innocence. Du plus profond de la douleur surgit l'épiphanie du monde.
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