Un « impôt sur les imbéciles », une « friponnerie », un « jeu cruel », un « fléau inventé par le despotisme »... Les hommes des Lumières n'avaient pas de mots assez durs pour dénoncer la loterie royale, une institution que tous les États européens ont mis sur pied au xviiie siècle. Les souverains encourageaient donc la passion du jeu, l’oisiveté, et captaient sans vergogne l’épargne de leurs sujets ? Faire croire que l’on gagne, tandis que l’on perd toujours, n’était-ce pas le propre d’un État corrompu ? Ou bien doit-on plutôt considérer la loterie royale comme un outil d’ingénierie financière, le fruit d’une nouvelle rationalité publique ? La loterie est incompatible avec le secret de la finance, encore défendu par les doctrines absolutismes du pouvoir. Son succès s’appuie nécessairement sur les gazettes, la publicité, la transparence, tant de la roue de la fortune hissée sur une estrade, que des comptes, car tout soupçon de fraude doit être écarté. Pour la première fois, l’État s’expose à ne pas perdre la confiance du public. Les « calculateurs », — des plus savants, comme d’Alembert ou Condorcet, aux plus aventuriers comme le jacobite John Glover ou le vénitien Giacomo Casanova —, proposent des méthodes de gains qui garantissent un revenu permanent, tandis que la croissance du xviiie siècle permet le développement de l’épargne populaire. Voici donc que le hasard, combiné à l’abondance, génère un revenu public, un fonds de trésorerie que tous les souverains convoitent.
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