En 1585, à la mort du duc d'Anjou, frère d'Henri III, l'héritier du trône
devint le roi de Navarre (futur Henri IV), chef du parti protestant. Après
un quart de siècle de guerre civile, cette perspective était inacceptable pour
les catholiques radicaux. Ils formèrent une Ligue, que dirigeaient les
Guise, d'où le nom de ligueurs que l'histoire leur a attaché. Mais ce fut
Henri IV qui remporta la victoire militaire et politique, au prix, il est vrai,
de sa conversion au catholicisme.
Alors, en 1594, certains de ces ligueurs choisirent l'exil plutôt que de vivre
sous l'autorité d'un «hérétique relaps». Ils étaient si attachés à une
conception intransigeante du catholicisme qu'ils s'installèrent sur les
terres du roi d'Espagne (le «roi catholique»), à Bruxelles surtout. Après
la paix entre l'Espagne et la France, en 1598, le sort de ces exilés devint de
plus en plus sombre et le sens de leur attachement à la «liberté de
conscience» (c'était leur propre terme) de plus en plus mystérieux.
Beaucoup rentrèrent au pays, où eux et leur famille connurent un net
déclassement social, beaucoup restèrent en Flandres jusqu'à leur mort.
Ce livre scrute l'aventure de ces exilés, surtout à travers les rapports qu'ils
entretenaient avec les autorités espagnoles qui les pensionnaient et
tâchaient de les utiliser. Toute une passionnante galerie de portraits est
ainsi esquissée : du duc d'Aumale, ce grand seigneur malheureux à la guerre
(mais excellent catholique), au maréchal de Rosne qui mourut au combat
alors qu'il commandait l'armée espagnole au siège de Hulst, de Bussy-Leclerc,
l'ancien gouverneur de la Bastille, qui exaspérait le monde avec
son gros chapelet rouge, à Godin, l'ancien maire de Beauvais estropié par
les nobles de son propre parti... Tous ces hommes peinaient à former une
communauté, mais ils étaient unis par le souvenir des luttes passées et par
leur commun attachement à un catholicisme absolu qui refusait toute
cohabitation avec une autre religion, surtout si elle se prétendait chrétienne.
Au fur et à mesure de leurs recherches dans les archives de Bruxelles,
Simancas, Madrid, Milan, Paris, Lille..., une évidence s'imposa aux
auteurs à travers la confrontation de leurs cultures historiques (l'un est
espagnol, l'autre français) : ils finirent par devoir reconnaître que ces
exilés qui avaient fui la France d'Henri IV n'étaient pas seulement des
fanatiques, condamnés depuis le XVIIe siècle par la tradition, qu'elle soit
royale, libérale ou nationale, mais qu'ils avaient été aussi porteurs d'un
message religieux et politique qui avait sa logique et a même eu, on peut
le regretter, une postérité.
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