Comment des légitimités peuvent-elles être ordinaires ? D'habitude,
on pense que les légitimités concernent les hommes et les situations de
pouvoir ou de compétences. Il est même fréquent d'entendre un élu
dire qu'il est le seul à détenir une légitimité, du fait de son élection.
Et pourtant, de plus en plus souvent, il est question de légitimité à
propos de personnes ou de faits ordinaires : qu'il s'agisse d'éducation,
de procréation assistée, de luttes, d'expressions artistiques, que ce soit
pour revendiquer ou dénier une légitimité.
Hélène Hatzfeld a enquêté pour mesurer et surtout comprendre ce
phénomène : dans les articles de la presse quotidienne, sur Internet et
par une série d'entretiens dans un quartier en rénovation urbaine. Au-delà
d'un abus de langage ou d'un effet de mode, les revendications
de légitimités sont significatives de transformations profondes. Tout
en partageant avec les luttes pour la reconnaissance l'attente d'une
égalité réelle de droits, les revendications actuelles de légitimités
s'en distinguent par leurs enjeux. Elles interpellent les principes de
légitimité, le partage des droits à définir des normes dans la société,
à distinguer ce qui est légitime et ce qui ne l'est pas. Poser la question
«au nom de quoi ?», c'est interroger les fondements des légitimités
électives et révéler les mutations du rapport au politique.
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