«Je devrais donc arriver à Paris dans une dizaine de jours, vers dix heures du matin (Leipzig-Francfort-Paris)», écrit Nietzsche dans une lettre de novembre 1882.
Ce voyage, jamais réalisé, dans la «capitale du XIXe siècle», avait été projeté depuis les années d'études à Leipzig. A Nice, au cours de l'hiver 1883, Nietzsche commence son voyage vers Cosmopolis - lieu idéal, loin des étroitesses nationalistes. Si Nietzsche rencontre et lit, dans la ville française, les «nouveautés» parisiennes - des psychologues les plus raffinés aux romanciers de boulevard, à commencer par Paul Bourget -, son intérêt pour la France s'était manifesté dès Humain, trop humain, sous le signe de la raison classique (Montaigne, Descartes, Corneille, Racine), opposée à l'idéologie germanique de Wagner. Avec Descartes, Nietzsche découvre le sens profond de la «passion de la connaissance» et la valeur de la «méthode», contre l'intuition du génie romantique qui caractérise le stéréotype de la pensée germanique.
C'est tout un univers d'auteurs, mineurs ou majeurs, et de grands «maîtres de l'heure» comme Taine et Renan, qui constitue la «trame du texte» d'un philosophe qui se sent de plus en plus français. Dans cette «serre surchauffée» qu'est Paris à ses yeux, Nietzsche trouve en effet, à côté de la dissection analytique et de l'intellectualisme extrême des héritiers de Stendhal (les «rougistes»), des «natures tropicales» : monstres, héros, malades de la volonté et grands criminels, bêtes et idéalistes. C'est de ce matériau expérimental, de ce chaos incandescent, que pourra sortir, selon lui, l'homme nouveau, européen et supraeuropéen. En 1888, avant de sombrer dans la folie, il se tourne à nouveau vers Paris : «Le moment est désormais venu, pour moi, de revenir au monde comme Français.»
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