Dans l'imagerie courante, Hegel est le philosophe de la «raison dans l'histoire», et Nietzsche une des sources irrationnelles de l'antisémitisme moderne. Pourtant, si l'on examine avec précision l'image du judaïsme et des juifs chez l'un et l'autre, on arrive à une conclusion quasi inverse.
Le Hegel de la dernière période a certes abandonné l'antijudaïsme primaire de son enfance. Mais le rôle des juifs, émancipés par la Révolution française, est désormais pour ainsi dire terminé. Pour Hegel, l'existence comme juif n'a plus de sens dans l'histoire moderne.
Nietzsche, au contraire, pourtant éduqué dans l'antijudaïsme et environné d'antisémites, devient un anti-antisémite passionné. Il sera un admirateur fervent du judaïsme ancien et des juifs de la Diaspora, qui joueront, selon lui, un rôle important dans l'Europe à venir. Il réserve tous ses coups, en revanche, au judaïsme «sacerdotal» du Second Temple, ancêtre du christianisme, du message décadent de Jésus, de l'inversion des valeurs qu'il lit dans le Nouveau Testament et qui fait la «maladie» de l'Europe chrétienne.
Dans ce livre brillant et convaincant, Yovel montre que l'antisémitisme et ses sources ne se trouvent pas nécessairement là où l'on croit : une philosophie de la raison n'en est pas démunie, tandis qu'une pensée de la «volonté de puissance» peut y échapper.
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