Je me suis retiré du monde, pour qu'il ne me manque plus. Bon, ça n'est pas non plus le couvent. Je vois parfois un ou deux amis, dont la vie agitée me fait comme un souvenir lointain, et j'en croise d'autres en passant, au gré de mes journées vides : Alan Turing, Ana Wintour, Proust ou Tricky, Derrida et Gainsbourg dans un bar d'hôtel, Borg et McEnroe tout timides au Palace, Nan Goldin de mauvais poil, Hegel bougon à l'hospice, les Quatre Fantastiques en vrai, ou juste Mesrine et Blanqui pour une bière au comptoir - quand je ne me réveille pas en 1942, ou en 2042, dans une ville entière qui baise ou au fond d'une artère fémorale. Mais le plus souvent je veille à ce qu'il ne m'arrive rien. Je me contente de fixer le mur de l'autre côté de la cour, de noter quelques statistiques qui m'obsèdent ou, plus rarement, de balancer mes excréments sur des officiels grâce à mon propulseur enfin réparé. C'est ma vie, ou son absence - que ce journal égrène.
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