Les Hiéroglyphes de Champollion
Philologie et conquête du monde
Jean-François Champollion est l'une des figures les plus brillantes de l'histoire des sciences européennes. Son déchiffrement des hiéroglyphes égyptiens, en 1822, représente à lui seul le triomphe de la philologie du XIXe siècle. Cependant, le récit maintes fois raconté du « coup de génie » masque sciemment les conditions épistémologiques et les luttes idéologiques dans lesquelles celui-ci, à l'époque de la Restauration, a pu être réalisé.
La nouvelle façon de comprendre l'Antiquité égyptienne incarnée par Champollion relève de l'aspiration de la modernité européenne à appréhender le monde et l'humanité comme une grande Histoire du Progrès et à l'inscrire matériellement dans les grandes capitales européennes. Or, ce nouveau savoir a un revers paradoxal, celui de produire, à travers le pillage massif des monuments pharaoniques auquel il contribue, une réalité contraire au plaidoyer émancipateur qu'il promeut.
Au moment où l'universalisme impérialiste de l'Europe prend son envol, il dévoile, dans le même mouvement, sa dimension funeste. Champollion en prend clairement conscience sur les bords du Nil et s'ouvre à une autre forme d'universalité, qui ne peut plus faire abstraction des réalités concrètes et qui reconnaît une responsabilité vraiment mondiale dans la préservation des sites archéologiques comme héritage de l'humanité.
De ce regard très moderne sur la culture témoigne la lettre remarquable écrite par Champollion en 1829 au vice-roi d'Égypte, dans laquelle il recommande la mise en oeuvre de fouilles réglementées - texte reproduit à la fin de cet ouvrage, et qui n'a guère perdu de son actualité.
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