Le point de vue des éditeurs
Les étrangers n'en croyaient pas leurs yeux lorsque, à l'Ermitage ou au musée Pouchkine, ils découvraient des murs entiers couverts de chefs-d'oeuvre de Renoir, Cézanne, Van Gogh, Gauguin, Bonnard, Matisse, Picasso... Quelques visiteurs avisés ou simplement curieux se demandaient pourquoi et comment un régime prônant l'« art prolétarien" avait pu amasser et conserver autant de manifestations de l'« art bourgeois »...
Après la mort de Staline, l'étau idéologique se desserrant, on découvrit que dans la Russie d'avant avaient existé de grands collectionneurs, comme Sergueï Chtchoukine et les frères Morozov. Ces petits-fils de serfs avaient fait fortune dans le textile avant la Révolution et étaient partis à la conquête du "nouveau monde" artistique dans le Paris de l'époque. Dépensant sans compter pour leurs collections, ils réunirent très vite un ensemble exceptionnel d'oeuvres impressionnistes, postimpressionnistes, modernes.
Nationalisées, ces collections furent heureusement mises à l'abri - ne disait-on pas que bolcheviks et anarchistes se faisaient des bottes dans des toiles de Rembrandt ! Pour finir, les tableaux furent envoyés dans les deux plus grands musées du pays mais ne furent exposés qu'à partir des années 1960, sans que jamais ne soit mentionné le nom de leurs anciens propriétaires.
Natalia Semenova, déjà biographe de Sergueï Chtchoukine, fait oeuvre pionnière en ressuscitant ici la saga de ces incroyables collectionneurs et mécènes qu'auront été les frères Morozov. Leur redonner leur juste place parmi les acteurs majeurs de la culture du début du siècle dernier n'est rien moins qu'une indispensable contribution à l'histoire de la peinture moderne, française et russe.
Pour leur rendre hommage, en 2021, la Fondation Vuitton consacrera à la Collection Morozov le second volet des « Icônes de l'art moderne ».
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