Notre société est obsédée par les jeunes de cité. Mais cette
peur sociale va de pair avec une ambition politique : assimiler
à la nation les mineurs qui lui semblent étrangers. Enfants
naturels sous la Révolution, jeunes délinquants au début du XIXe siècle,
enfants abandonnés sous la Troisième République, jeunes de banlieue
aujourd'hui, tous sont condamnés à une réhabilitation physique et
morale capable d'effacer leurs origines imparfaites.
Emblématique des idéaux républicains, matrice d'une francité qui se veut
universelle, cette utopie intégratrice est l'une des plus anciennes politiques
publiques en France. Elle revient de façon récurrente jusqu'aux crises
contemporaines, dans lesquelles elle porte une part de responsabilité.
Car le «modèle français d'intégration» se révèle plutôt un contre-modèle,
non seulement parce qu'il échoue à insérer les jeunes dans la société,
mais aussi et surtout parce qu'il postule l'inégalité des individus.
Depuis les «bâtards» de l'an II jusqu'aux «racailles» des années 2000,
l'État-nation démocratique s'est confronté à toutes les figures de l'altérité
juvénile, qu'il a contribué à stigmatiser en voulant les sauver. C'est
cette longue entreprise que retrace Ivan Jablonka dans un ouvrage
essentiel pour comprendre notre société actuelle.
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