Emules en cela des Lacandons du Chiapas, les Indiens Jicaques du Honduras ont lutté pendant plus de trois siècles contre les colons espagnols qui voulaient les asservir et contre les missionnaires qui s’efforçaient de les convertir. Quand la résistance de ce peuple s’effondra, au milieu du xixe siècle, une poignée d’irréductibles se réfugia dans les forêts, alors désertes, de la Montaña de la Flor, pour continuer à y mener la vie libre à laquelle ils étaient attachés. Leurs descendants sont maintenant plus de quatre cents, malgré les fâcheux effets de la consanguinité qui multiplie parmi eux le nombre des sourds-muets. Ils ont obtenu la concession officielle de leurs terres, dont ils interdisent, en principe, l’accès aux étrangers. Avec leurs sarbacanes, leurs longues chevelures, leurs jambes nues et leurs tuniques de couleur foncée, ils apparaissent comme des reliques du passé précolombien. Mais ils sont maintenant pressés de tous côtés par des voisins blancs ou métis de plus en plus nombreux. Pendant plusieurs séjours au Honduras, Anne Chapman, vivant en limite de la réserve jicaque, sut gagner la confiance, puis l’amitié d’Alfonso Martínez, le meilleur détenteur des anciennes traditions orales d’un peuple déjà en voie d’acculturation. Ce narrateur étonnamment doué, put ainsi, avant de mourir, nous transmettre un remarquable ensemble de textes dictés dans un espagnol populaire très coloré. Ces textes sont publiés ici avec leur traduction française, des notes et des commentaires. On y trouve aussi tout un ensemble de croyances concernant la mort el l’au-delà, car les Jicaques se considèrent comme les enfants de la mort, par opposition à leurs divinités, qui sont censées être immortelles. Des souvenirs personnels du narrateur, évoqués de-ci de-là, achè- vent de faire de ce recueil un document humain précieux, vivant et souvent émouvant.
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