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Ici, Charles Baudelailre sera le héros bien réel d'un roman aussi fidèle aux exigences de la vérité qu'à celles de l'imagination. Il sera, surtout, cet homme misérable surpris à la fin de sa vie, dans une chambre de l'hôtel du Grand-Miroir, à Bruxelles, pendant les quelques jours où, usé par la syphilis, il va perdre une partie de sa raison et l'usage de sa parole... Pour le romancier, il y avait là un pari et un mystère: que s'est-il vraiment passé pendant ces jours qui virent, pour la dernière fois, le poète des Fleurs du Mal confronté à sa mémoire? Pourquoi a-t-il choisi de s'égarer ainsi, corps puis âme, en maudissant le monde et le ciel? C'est autour de ce Baudelaire exilé, convaincu de son échec, bientôt aphasique, que Bernard-Henri Lévy a bâti son roman. Sur un mode presque policier, qui conduira le lecteur d'un bordel belge aux cénacles post-romantiques, d'un dîner chez les Hugo aux tourments d'un prêtre défroqué, on suit une enquête dont les témoins sont méthodiquement convoqués; de Jeanne Duval à un disciple ambigu, de Sainte-Beuve à Madame Aupick, d'une logeuse à l'éditeur Poulet-Malassis, ils vont, chacun à son tour, dans sa langue, et selon la composition à plusieurs voix qui avait déjà fait le style du Diable en tête, nous racnter cette lente agonie. Par-delà leurs récits et leulrs mensonges, par-delà les péripéties d'une intrigue pathétique ou cocasse, l'auteur retrouve des thèmes qui lui sont chers: le goût du malentendu et de la gloire, l'éloge de l'artifice, l'art comme vengeance, la tragédie propre aux oeuvres inachevées, les ruses de la sainteté et de la chute. Tels sont les enjeux d'un roman qui revendique toutes les libertés - et où il s' agit aussi, dans l'ombre immense de Baudelaire, d'interroger la littérature et son destin.