Mais voilà, de son vivant, on n'entrait pas dans sa
bibliothèque. Enfin, moi, je n'y entrais pas. On ne
m'y a pas invité, et je n'aurais jamais osé. Lui, à son bureau, me
demandant ce que je veux, au milieu de tous ces livres, c'eut été
impossible. La première fois que j'ai eu droit de pénétrer le saint
des saints, ce fut, au lendemain de sa mort, pour lui rendre visite.
Les bouquins comme garde d'honneur, tirant toutes les quatre
secondes une salve silencieuse, encadrant les buissons de roses et
les couronnes aux formules convenues, et au milieu, lui dans sa
boîte ouverte, mains jointes, digne. Chaque livre sans doute rêvant
secrètement de prendre place entre ses phalanges, pour une ultime
lecture, le choix dernier.
Nicolas Marchal, Les conquêtes véritables - Prix Première 2009
réédition éditions diagonale 2014
On lira attentivement ce qui nous est livré ici sur cette
quête acharnée, dérisoire et immense à la fois, conquête
toujours insatisfaite, toujours recommencée et toujours, pour une
part, incommunicable. Hommage vibrant à la littérature. Derrière
les vitraux sombres, démodés, on écrit des livres sans même savoir
s'il fait beau dehors, ou s'il pleut. (Révérence, encore, à Rimbaud :
«Je suis le savant au fauteuil sombre. Les branches et la pluie se
jettent à la croisée de la bibliothèque.») Faisait-il beau dehors, ou
pleuvait-il tandis que Nicolas Marchal se lançait dans ses conquêtes
véritables ? Peu importe, sans doute. Mais qu'il nous offre encore,
derrière des vitraux sombres, démodés, d'autres romans d'une telle
élégance et d'une telle légèreté.
Paul Emond
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