Quoi de plus évident aujourd'hui, en France, que de référer le théâtre
à une mission «politique» parfois aussi dite «civique», «sociale»,
«critique» ou «émancipatrice» ? Pourtant, et ces faux synonymes le
révèlent, derrière l'évidence de la formule «tout théâtre est politique» se
dessine une réalité, complexe et conflictuelle. Elle tient à la diversité des
acteurs qui composent le champ théâtral : artistes, intermédiaires
(pouvoirs publics, directeurs d'institutions théâtrales, programmateurs,
critiques) et publics. Elle tient tout autant à la diversité de leurs conceptions
du théâtre, de l'art, de la culture et de la politique. Autant de conceptions
qui, pour être saisies, doivent être historicisées et contextualisées. Pour
penser les différentes voix/voies qui se théorisent et se pratiquent
aujourd'hui, il importe d'éviter une approche téléologique et mononormative,
fondée sur un principe d'idéal unique du «théâtre politique»
à l'aune duquel juger toutes les pratiques, et/ou sur le dépassement
chrono-logique d'une conception du «théâtre politique» par une autre. Il
importe aussi de ne pas redoubler par la recherche les hiérarchies de
reconnaissance et de légitimité institutionnelle qui classent aujourd'hui ces
différentes conceptions dans le champ théâtral. Recourir au concept de
«cité», emprunté à la sociologie pragmatique de Luc Boltanski et Laurent
Thévenot, permet de rendre justice à la pluralité des façons de penser et
de faire des acteurs. Le présent livre pose l'hypothèse qu'existent ou
plutôt cohabitent, sur un mode plus ou moins pacifique, quatre cités : la
cité du théâtre postpolitique, la cité du théâtre politique oecuménique, la
cité de refondation de la communauté théâtrale et politique, et la cité du
théâtre de lutte politique.
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