Dans L’Antéchrist, Nietzsche dit des Sceptiques, de quelques-uns d’entre eux du moins, qu’ils sont « le seul type convenable dans toute l’histoire de la philosophie » ; et il ajoute, dans la même œuvre, que « la force et la liberté issues de la vigueur et de la plénitude de l’esprit, se prouvent par le scepticisme ». On aurait pu craindre que l’influence des mathématiques sur la philosophie n’inclinât celle-ci vers le dogmatisme, comme une opinion courante en histoire de la philosophie nous pousse à le penser. Kant n’a-t-il pas dit que le cheminement de la philosophie était inverse de celui de la mathématique et que l’on faisait un mauvais travail en l’une comme en l’autre quand l’une imitait l’autre, et surtout quand la philosophie, croyant devenir plus forte en imitant le sérieux et la rigueur des mathématiques, ne parvenait qu’à être dogmatique ?
Le présent livre est destiné à montrer non seulement qu’il faut nuancer ce jugement, mais que c’est tout le contraire qui est vrai : le philosophe peut certes faire une lecture sceptique des mathématiques et leur apporter le scepticisme comme de l’extérieur, mais il peut aussi s’instruire des mathématiques pour en tirer de singulières leçons de scepticisme, de liberté d’esprit, d’inversion de ce qui est ordinairement tenu pour vrai. Les auteurs qui ont participé à ce collectif ont tenté d’ouvrir ici un champ, en apprenant à ne plus fustiger ce dont nous recueillons des leçons de scepticisme et à ne plus tenir ce qui pouvait être réduit au scepticisme comme dérisoire, ridicule ou contenant quelque irrémédiable faute.
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