Camille Lemonnier (1844-1913)
"– Va pour cinquante francs, dit l’aubergiste en marchant du côté de l’écurie.
Depuis deux jours, les chevaux n’avaient pas reposé trois heures en tout, et de ses cinq bidets il ne restait au licol qu’un petit roussin à courtes jambes et un vieux grison ardennais, poilu comme une vache.
On tira de l’écurie le roussin et le grison et on les mit à une pesante carcasse, montée sur quatre roues qui faisaient en roulant un bruit de vaisselles entrechoquées.
Puis le fouet pétarda : nous descendîmes, au trot des chevaux, les fers claquant, la grande rue de Neufchâteau qui débouche dans les champs.
Nous allions à Bouillon.
Au premier tournant de la route, près d’une grosse ferme où des soldats jouaient au bouchon, une sentinelle croisa le fusil et cria :
– Qui vive ?
C’étaient les postes belges. Ils étaient échelonnés de distance en distance, quatre hommes et un caporal, et se repliaient, à mesure qu’on les relevait, sur leurs campements, dans les villages et dans les champs.
On répondait :
– Belgique."
1870. Le narrateur voyage dans les Ardennes en guerre. Ce n'est que ruines et cadavres. Une vision de la stupidité des conflits armés dans lesquels ce sont toujours les mêmes innocents qui subissent : le peuple... Aujourd'hui, rien n'a changé...
Suivi de "Le mort" : Un cadavre bien gênant...
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