Cet ouvrage de Maurice Halbwachs paru en 1930, soit trente-trois ans après le célèbre texte d'Emile Durkheim, n'avait connu jusqu'ici aucune réédition. Il était presque tombé dans l'oubli. Pourtant Marcel Mauss disait clairement dans son avant-propos que l'on ne pouvait pas lire Durkheim sans lire aussi Halbwachs. Ceux qui ont lu Le suicide doivent donc aussi lire Les causes du suicide.
En désaccord sur de nombreux points avec Durkheim, Halbwachs est resté néanmoins son fidèle disciple et n'a pas cherché à apparaître comme son rival. Dans Les causes du suicide, il montre les failles et les limites du Suicide de Durkheim. Il reprend, nuance, corrige le maître, et parvient à des conclusions différentes des siennes, mais n'emploie jamais un style polémique pour s'en démarquer.
Cet ouvrage mérite d'être lu aujourd'hui, non seulement parce qu'il prolonge celui de Durkheim - ce qui est déjà une raison suffisante -, mais aussi parce qu'il suscite des interprétations nouvelles et contribue à dépasser l'opposition classique, mais à la longue stérile, entre individu et société. Il conduit à l'analyse de la conscience sociale des sociétés, ce qui relève de la psychologie collective. Il constitue aussi, à travers l'interprétation minutieuse des statistiques du suicide, une remarquable leçon sur la variabilité des genres de vie et sur les fondements du lien social.
Serge Paugam
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