C'est un message envoyé aux journaux. Sur la photocopie
d'une lettre que lui a adressée Danone, le 29 octobre
2015, P. a entouré les derniers prix du lait, et il a écrit
au-dessus deux mots au feutre : «À l'aide». À côté de la signature de
la directrice lait du groupe, il a ajouté : «le mépris des producteurs».
Avec la fin des quotas laitiers, le 1er avril 2015, les éleveurs sont
nombreux à attendre, comme P., une lettre de leur laiterie, qui
leur annoncera chaque mois leur prix. Un prix en chute libre. En
ouvrant les vannes de la production, il était mécanique que le lait
coulerait à flots, et que son prix baisserait, provoquant une nouvelle
crise sociale. Selon les estimations de l'Institut de l'élevage, un quart
des éleveurs dégagera en 2015 un revenu inférieur à 10 000 euros.
Cette crise n'était pas une surprise. Et pour les industriels, elle n'est
qu'un dégât collatéral. Un mal pour un bien : la restructuration.
Avec la fin des quotas, le lobby industriel vise aussi un basculement de
la production et de l'élevage vers de nouveaux modèles. Promouvoir
de la mécanisation, du grand troupeau, de la ferme géante. Et
approvisionner les tours de séchage de lait - l'outil de fabrication
de la poudre de lait - indispensables à l'exportation.
«Le lait, c'est la vie» ? En dépit de ce que nous rappellent sans
cesse les publicités préconisant la consommation de «trois produits
laitiers par jour», le lait, c'est avant tout un vaste marché, et des
firmes qui en profitent. Les multinationales du lait n'hésitent pas à
se coaliser en cartels face à la grande distribution, à tenter de faire
plier les filières fromagères de qualité, et à imposer au ministère de la
Santé leur feuille route pour l'étiquetage nutritionnel des aliments.
Les projets d'expansion du lobby du lait dans l'économie mondialisée
paraissent aveugles et sans limites. Et leurs ravages, inévitables.
À moins qu'un vrai débat ne s'engage.
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