C'est un des récits les plus connus du chroniqueur Jean Froissart : la scène se passe à Calais en 1347 ; une lourde sentence du roi anglais Edouard III pèse sur la ville. Alors six bourgeois se dévouent ; ils vont, pieds nus et corde au cou, trouver le vainqueur pour subir la mort. Mais la reine Philippa se jette aux pieds de son époux et sauve les pauvres bourgeois. Ce récit inlassablement repris par toutes les histoires de France a légitimement ému des générations de petits écoliers. Et encore aujourd'hui, le célèbre groupe des bourgeois de Calais dû à Rodin témoigne de son exceptionnel retentissement.
Or ce récit est un faux. On y trouve travesti en acte d'héroïsme sublime un rituel de capitulation classique. Jean-Marie Moeglin en fait la démonstration et rouvre le dossier des bourgeois de Calais sous un jour entièrement neuf : il montre comment Froissart et avant lui son modèle Jean le Bel ont inventé de toutes pièces une sorte d'héroïsme bourgeois ; il retrace l'histoire d'un rituel de concession de la grâce qui eut une importance majeure dans les sociétés médiévales ; enfin, par l'analyse des avatars de ce mythe à travers les siècles, il donne à la constitution d'un épisode de la guerre de Cent Ans en grand événement de l'histoire de France son épistémologie historique.
La crise récente de l'histoire événementielle a nui au prestige des bourgeois de Calais ; il était temps de les redécouvrir. C'est ce «lieu de mémoire» que le livre invite à revisiter.
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