Le jeune comte Artoff était sorti la veille de chez Baccarat en proie à une sorte d'émotion enthousiaste. Il était entré chez elle en don Juan armé de ses millions comme d'un talisman; il en sortait dominé, impressionné par la tristesse majestueuse de cette femme supérieure, et qui lui paraissait si horriblement calomniée. Baccarat lui était apparue tout à coup comme un être mystérieux que la foule ne devinerait jamais. Était-ce une grande coupable repentie ? Était-ce quelque sombre vengeresse dont le bras s'armait dans l'ombre pour châtier et poursuivre à outrance des criminels et des meurtriers ? C'était ce que le comte ne pouvait deviner; mais il s'arrêtait forcément à l'une de ces deux hypothèses, et comprenait vaguement que Baccarat avait une haute mission à remplir. Le comte rentra chez lui en proie à mille pensées diverses et confuses. Aimait-il déjà cette femme, chez laquelle il était entré en conquérant ? N'éprouvait-il pour elle qu'une subite et respectueuse amitié, susceptible du plus grand dévouement ? Il lui fut aussi impossible de trancher ces dernières questions que de résoudre les deux premières. Il dormit mal. Baccarat se mêla à tous ses rêves. Il se voyait tantôt errant avec elle dans un désert et se mettant à ses genoux, tantôt elle l'entraînait dans un tourbillon, empruntait les formes les plus singulières, lui tenant les langages les plus divers.
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