Eric Hobsbawm est né l’année de la révolution d’Octobre et s’est réclamé du marxisme toute sa vie. La période qu’il analyse et le communisme qui en constitua une dimension essentielle sont donc liés à son existence. Bien que le XXe siècle soit achevé, son interprétation reste un enjeu politique décisif. Et le fait que l’ordre en place provoque son lot de révoltes presque partout dans le monde interdit de reléguer au rang de contes poussiéreux les chapitres d’un temps qui a vu des peuples renverser l’irréversible. Leurs espérances furent parfois déçues, détruites, décapitées (cette chose-ci est connue), mais aussi parfois récompensées (cette chose-là est moins évoquée).
L’Ère des extrêmes nous rappelle que l’humanité ne fut pas toujours impuissante et désarmée quand elle voulut changer de destin. Lorsque Hobsbawm publia ce livre, ce genre d’observation n’allait plus de soi. Mais vingt-cinq ans plus tard, les lampions de la célébration définitive de la démocratie libérale sont éteints. Et l’histoire qui resurgit ne se résume pas à un imaginaire désenchanté.
Cette somme mêle l’étude des révolutions politiques, culturelles et des bouleversements sociaux du XXe siècle, celle des deux guerres mondiales, mais aussi des innovations artistiques et scientifiques.
Traduit en trente langues et largement célébré, L’Ère des extrêmes rencontra un accueil plus difficile en France, où les grandes maisons d’édition refusèrent de publier des analyses trop marquées selon elles par l’attachement de l’auteur à la cause révolutionnaire.
« Dans les toutes premières lignes de son ouvrage, Eric Hobsbawm écrit : “En cette fin de XXe siècle, la plupart des jeunes femmes et des jeunes hommes grandissent dans une espèce de présent permanent, dépourvu de tout lien organique avec le passé public qui a pourtant façonné les temps actuels.”
Rien de tel que ce livre superbe, si riche de faits lumineusement rapprochés, bouillonnant d’idées, pour éclairer le lecteur sur l’histoire, toute proche et pourtant mal connue, qui a modelé ce monde désorienté et l’incite à sortir de ce “présent permanent“ sans perspectives, à inventer, avec d’autres, son propre avenir. »
Claude Julien « Le siècle des extrêmes. Une histoire qui a modelé notre monde désorienté », Le Monde diplomatique, mars 1995.
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