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« Léopoldine se noie le 4 septembre 1843, son père a quarante et un an. Lara se noie le 27 juillet 1997, j’ai trente-six ans. La mort de Léopoldine plonge Hugo dans le silence. Lui qui écrivait sans cesse, lui qui avait déjà plus écrit peut-être qu’aucun autre poète avant lui, pendant trois ans il ne publie plus un poème, plus un vers, rien.
De ces trois années muettes vont naître ses plus grands chefs d’œuvre. Et aussi les plus violents. Conservateur, Hugo devient révolutionnaire. La mort d’un enfant est intime. Elle est aussi politique. Intime donc politique. C’est ce que raconte cette histoire.
Tout commence par un voyage amoureux en Espagne. Hugo et Juliette Drouet, sa maîtresse, celle qui copie ses manuscrits, compagne de toute une vie, apprennent sur le chemin du retour la noyade de Léopoldine. Déflagration. Hugo est dévasté et leur amour ne semble pas devoir surmonter l’épreuve. Désormais incapable d’écrire, il fuit vers les honneurs et d’autres rencontres. Juliette n’est pas dupe. Elle le ramène à lui-même… et il lui revient, avec le début d’un texte qui deviendra Les Misérables. Et bientôt un engagement politique sans faille auprès des plus démunis.
A qui a perdu son enfant, les faussetés mondaines sont haïssables, comme les postures, les impostures, les artifices, les mensonges qui oppressent, les richesses qui écrasent. Chacun peut apercevoir cela, une rupture sensible. Mais Hugo, père déchiré par la perte de sa fille, nous crie qu’il ne s’agit pas seulement d’une sensibilité que les messieurs sérieux, riches et puissants, de son temps comme du nôtre, ont beau jeu de regarder avec commisération. Au-delà du sensible, crie Hugo, il s’agit de vérité. Si le réel n’est pas essentiellement matière mais esprit, alors un monde politique soumis aux plus riches n’est pas une fatalité. Il est faux. Il est contre nature. Il offense la splendeur du monde réel.
La douceur d’« Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin » et la violence des Misérables disent la même chose. Hugo poète et Hugo révolutionnaire sont la même personne. C’est toujours la même vérité, celle de Léopoldine vivante dans la mort. Celle de Lara vivante dans la mort. La même tristesse et la même joie, la même réalité triomphale de la poésie. » T.C.