Après l'ère du soupçon, voici l’ère néolibérale, qui met le monde en coupe réglée, l’organise à sa façon, manage les « ressources humaines » comme elle gère matières premières et sources d’énergie. Face à une telle coercition, que peut la littérature ? C’était la question de Sartre dans les années cinquante, c’est à nouveau celle des écrivains contemporains. Évocations du monde du travail, romans d’usine et d’entreprise se multiplient sous la plume de François Bon, Didier Daeninckx, Thierry Beinstingel, Nicolas Bourriaud, Lydie Salvayre, Jean-Charles Massera, Michel Houellebecq... Mais s’agit-il encore d’engagement de la littérature en ce début de xxie siècle, alors que les idéologies sur lesquelles fonder cet engagement se sont effondrées ? Une œuvre qui parodie le discours néolibéral, qui recourt à la satire ou à l’ironie comme à autant de protestations désenchantées, qui met en scène licenciements et délocalisations sans construire de discours pour en rendre compte, peut-on la dire engagée ? Par delà la définition sartrienne de l’engagement, cet essai convoque le discours économique et managérial, les théories postmodernes et néolibérales auxquelles s’affronte la littérature actuelle. Il interroge sa manière d’en traiter, ausculte les formes nouvelles inventées à cet effet, et montre comment, entre implication sociale, posture d’auteur et dispositifs inédits, les écrivains inventent les voies d’une nouvelle critique sociale.
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