Des attentats aux catastrophes naturelles, des accidents d'avion aux prises
d'otages, des massacres de populations aux suicides d'adolescents dans des
établissements scolaires, chaque événement violent appelle la présence de
psychiatres et de psychologues. Ils viennent prendre en charge les rescapés,
les sinistrés, les témoins. Ils interviennent au nom de la trace psychique du
drame : le traumatisme. Longtemps cette notion a servi à disqualifier soldats
et ouvriers dont on mettait en doute l'authenticité de la souffrance. Désormais,
grâce au traumatisme, les victimes trouvent une reconnaissance sociale.
Ce livre relate ce renversement en liant deux histoires. L'une, intellectuelle,
qui va des travaux de Charcot, Janet et Freud à l'invention de l'état
de stress post-traumatique aux États-Unis et à sa difficile adoption en France.
L'autre, morale, qui fait succéder à un siècle de suspicion à l'égard des
blessures psychiques une ère de réhabilitation et, avec elle, l'émergence
d'une nouvelle subjectivité politique : celle de la victime.
Les auteurs, qui ont enquêté sur la genèse, l'expansion et les multiples
usages du traumatisme, en explorent trois développements emblématiques :
la victimologie psychiatrique, dans les suites de l'explosion de l'usine
AZF, à Toulouse ; la psychiatrie humanitaire, présente dans les territoires
palestiniens durant la seconde Intifada ; la psychotraumatologie de l'exil, au
sein des associations oeuvrant auprès des demandeurs d'asile. Ils décrivent
ainsi trois politiques - de la réparation, du témoignage et de la preuve - dans
lesquelles le traumatisme est moins une donnée psychologique qu'une
ressource sociale ambiguë. S'il permet de défendre des causes, de revendiquer
des droits, de justifier des actions publiques, il conduit aussi à exclure
des groupes humains, à occulter des inégalités sociales et à produire de
nouvelles hiérarchies d'humanité.
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