Pourquoi le Japon ? parce que c'est le pays de l'écriture : de tous
les pays que l'auteur a pu connaître, le Japon est celui où il a
rencontré le travail du signe le plus proche de ses convictions et
de ses fantasmes, ou, si l'on préfère, le plus éloigné des dégoûts,
des irritations et des refus que suscite en lui la sémiocratie occidentale.
Le signe japonais est fort : admirablement réglé, agencé,
affiché, jamais naturalisé ou rationalisé. Le signe japonais est vide :
son signifié fuit, point de dieu, de vérité, de morale au fond de
ces signifiants qui règnent sans contrepartie. Et surtout, la qualité
supérieure de ce signe, la noblesse de son affirmation et la grâce
érotique dont il se dessine sont apposées partout, sur les objets et
sur les conduites les plus futiles, celles que nous renvoyons ordinairement
dans l'insignifiance ou la vulgarité. Le lieu du signe ne
sera donc pas cherché ici du côté de ses domaines institutionnels : il
ne sera question ni d'art, ni de folklore, ni même de «civilisation»
(on n'opposera pas le Japon féodal au Japon technique). Il sera question
de la ville, du magasin, du théâtre, de la politesse, des jardins,
de la violence ; il sera question de quelques gestes, de quelques
nourritures, de quelques poèmes ; il sera question des visages, des
yeux et des pinceaux avec quoi tout cela s'écrit mais ne se peint pas.
Roland Barthes
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