À Bagdad, au VIIIe siècle, le calife Hârûn al Rashîd
ordonne la décapitation de son fidèle
ministre Ja'far, ainsi que l'exécution de sa famille,
les illustres Barmécides. Cet épisode, célèbre dans
tout l'Islam et notamment relaté dans Les Mille et
Une Nuits, met en évidence un motif récurrent
dans l'histoire du monde arabo-musulman, celui
du couple formé par le sultan et son ministre. Bien
plus qu'en Europe, cette alliance repose en effet
sur des affinités affectives. Le ministre du
sultan est presque toujours son ami intime,
voire son amant, et leur collaboration
prend souvent fin dans le sang, justifiant
en apparence le lieu commun d'une
histoire politique placée sous le signe de
l'instabilité. Pourtant, l'irruption de la
passion en politique remplit également
une fonction régulatrice : symptôme d'une
crise, d'une rupture de l'ordre du royaume,
elle permet finalement que naisse une «voix» de
l'opinion, un pouvoir politique négocié.
À travers le prisme du couple que forment le
sultan et son ministre, notion centrale de la
littérature politique et historiographique, Jocelyne
Dakhlia examine à nouveaux frais la question du
despotisme et de l'arbitraire politique en Islam.
Elle invite à découvrir la richesse de l'héritage
médiéval et moderne des États du monde islamique,
à mille lieues de l'image erronée d'un univers
politique voué à l'absolutisme, sans contrepoids
ni mûrissement démocratique possibles.
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