Dans une correspondance adressée à deux de ses
amis, le narrateur de L'Embardée cherche à comprendre
l'origine et la nature de ce qu'il perçoit et vit
comme un désastre : la liquidation, par ses parents,
de l'appartement extraordinaire aménagé par son
arrière-grand-père dans l'un des nombreux immeubles
jadis construits par lui dans la capitale, et qu'il a lui-même
fréquenté enfant lorsque ses grands-parents
l'occupaient, et plus tard, à vingt ans, durant tout un
mois d'hiver...
Pour ce descendant d'une lignée d'architectes,
architecte lui-même, la perfection n'a jamais eu
d'autre visage que celui de ces rêves de pierre que
s'employèrent jadis à matérialiser des hommes alors
soucieux de "faire don" de la ville à ceux qui l'habitaient.
Tout en réactivant de pénibles épisodes du
roman familial, la découverte du destin réservé à un
lieu très aimé vient rappeler au narrateur les saccages
architecturaux commis par son père, dans la ville
d'après-guerre, au nom de principes techniques et
économiques dont la mise en vente et le démembrement
de l'appartement ne représentent que le plus
cruel, car le plus intime, avatar.
Dans son exploration de la face cachée, et souvent
douloureuse, de toute filiation, L'Embardée conjugue
désarroi et révolte, au fil d'une prose implacable et
ardente dont la phrase déploie toutes ses magies,
comme pour exorciser, s'il se peut, les pouvoirs que
la mort s'arroge, de leur vivant, sur les menées et les
désirs des hommes.
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