Ce qui facilita au peuple son enthousiasme pour les vainqueurs, ce sont précisément toutes ces légendes auxquelles les meilleurs esprits ajoutaient foi, sincèrement, - ces légendes sur les horreurs de la Bastille et les cruautés du pouvoir arbitraire. Depuis cinquante ans, elles s'étaient répandues par le royaume et avaient pris corps. Les pamphlets de Linguet et de Mirabeau, le récent succès des Mémoires de Latude avaient donné à ces histoires un regain de force et de vitalité. Obligé de s'incliner devant l'émeute triomphante, on jugea préférable - car ainsi la conscience se taisait - de la saluer en libératrice.
La légende, qui a si profondément dénaturé l'événement, a été contemporaine de l'événement lui-même, fruit spontané de l'imagination populaire. Ayant à parler de la prise de la Bastille en ses Mémoires, Barras, le révolutionnaire, retrouve parmi ses papiers les notes qu'il lui avait consacrées, les lit avec une sorte de stupeur : « Eh quoi ! La prise de la Bastille n'a été que cela ! » - et il passe prudemment sous silence cette page glorieuse d'une histoire à laquelle il a en partie présidé.
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