Au milieu des ruines de l'Europe, Walter Benjamin a cherché dans l'écriture
une issue à la catastrophe historique. Sa philosophie est mise ici à jour, pour la
première fois, comme écriture du messianique ; celle ci traverse secrètement
ses premiers textes, avant de s'affirmer nettement autour de la question du
Trauerspiel («drame baroque») en 1925.
Le présent livre montre comment, des premiers textes de 1916 jusqu'à son
suicide en 1940, Benjamin passe d'une philosophie ouverte du langage à une
philosophie secrète de l'écriture, qui pose le problème de l'issue et fait surgir
le motif d'une graphie générale (dans la traduction, la photographie, la cinématographie,
l'historiographie). Cette pensée, déroutante pour les attendus de
la philosophie politique, est inséparable de la subtile distinction du messianique et
du messianisme, qui constitue le «partage des eaux» de la pensée benjaminienne
de l'histoire. Par cette distinction, Benjamin joue le messianique, comme
attente sans atteinte du Messie, contre le messianisme et le théologico politique
qui déterminent la coappartenance historiale du communisme et du fascisme.
La pensée de Benjamin passe alors par une économie de marxisme et de théologie
et par une forme philosophique nouvelle. Sa philosophie secrète, l'écriture du
messianique, est peut-être un révélateur oblique de la sombre histoire de notre
temps. Elle nous apprend que si nous ne parvenons pas à arracher l'histoire à la
théologie, et la politique à la religion, l'avenir ne cessera d'être semblable au
passé : un amoncellement de ruines où même les morts ne seront pas en sûreté.
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