L'œuvre d'Aragon (1897-1982) a épousé la courbe du siècle, et traversé à peu près tous les genres : roman, poésie, essais, critique littéraire, journalisme... A côté de quelques romans d'une grandeur inoubliable (comme Aurélien, ou La Semaine sainte), l'auteur du Fou d'Elsa a su pénétrer la mémoire populaire à travers des poèmes qui sont devenus chansons.
La première évidence, pour qui aborde sans prévention Aragon, est celle de ses contradictions : quel rapport entre l'anarchiste et l'apparatchik, entre le libertin et l'amoureux transi, entre le poète lyrique et le critique pointilleux, entre l'envergure démesurée de ses ouvrages et les pulsions de destruction qui les traversent ? Devant la richesse inouïe d'une telle variété d'écrits, il est difficile de les rapporter au même individu ; Aragon enseigne d'abord par ceux-ci le mouvement perpétuel, ou l'invention à jamais inachevée de la personne humaine.
Et il nous rappelle que celui qu'on prend pour l'auteur est toujours croisé : avec ses modèles littéraires ou ses intercesseurs, avec sa femme Elsa Triolet pour les grands romans du Monde réel, ou en général avec ces terribles circonstances hors desquelles il ne concevait pas d'écriture véritable. On ne résume pas une pareille démarche, mais on peut y repérer des carrefours qui sont autant d'étoiles dans la trame du texte ou du chant : d'Aimer à Transmission, trente-deux entrées permettent d'approcher le poème comme problème, et les modes d'emploi du roman, c'est-à-dire de la vie quand elle se parle.
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