Le roman policier, fût-il écrit par Balzac ou par
Dostoïevski, a mauvaise réputation. Il passe
pour relâché dans son écriture, et superficiel
dans sa réflexion. Cependant, en se référant à Poë,
Borges en a fait l'éloge. C'est qu'il tenait les personnages
pour des pions sur un échiquier, et le crime était une
péripétie sans passé.
Puis vint Hammett. Le roman policier (et noir) eut le
souci d'évoquer la société inégalitaire et violente. Dès
qu'il y eut des victimes à ce jeu, la question se posa :
le mal est-il inné ? Alors, de purement intellectuel et
décharné qu'il était à l'origine, le roman noir est devenu
métaphysique. Il met en scène des éléments de notre
mémoire, personnelle, sociale, ancestrale. Il décrit
un combat d'égaux symboliques, l'Agneau et le Tigre,
comme les faisait déjà s'affronter William Blake.
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