La liberté, se gouvernant elle-même et se donnant à elle-même sa loi, telle est l’idée qui, après avoir été souvent négligée ou méconnue par la philosophie ancienne, devient dominante dans la doctrine d’Épictète. Être libre, c’est le bien suprême ; que l’homme étudie donc avant tout l’essence de la liberté, et, pour la connaître qu’il « se connaisse lui-même », suivant l’ancien précepte non moins cher aux stoïciens qu’aux socratiques. Tout d’abord, lui qui par sa nature aspire à être libre, il s’apercevra qu’il est esclave : esclave de son corps, des biens qu’il recherche, des dignités qu’il ambitionne, des hommes qu’il flatte; esclave, « alors même que douze faisceaux marcheraient devant lui.» Cet esclavage moral constitue à la fois le vice et le malheur : car, « comme la liberté n’est qu’un nom de la vertu, l’esclavage n’est qu’un nom du vice.» Celui qui se sera reconnu ainsi « mauvais et esclave » aura fait le premier pas vers la vertu et la liberté. Le stoïcien n’a plus qu’à lui dire « Cherche et tu trouveras ». Mais l’homme ne doit pas chercher la liberté dans les choses du dehors, dans son corps, dans ses biens : car tout cela est esclave.
Ainsi il existe en nous, et en nous seuls, quelque chose d’indépendant : notre puissance de juger et de vouloir. Le seul obstacle pour l’homme, son seul ennemi, c’est lui-même : lui-même, il se dresse, sans le savoir, les embûches où il tombe. C’est que chez l’homme, outre la faculté de juger et de vouloir, se trouve l’imagination : quoique les choses en elles-mêmes ne puissent rien sur nous, cependant, par l’intermédiaire des images ou représentations qu’elles nous envoient, elles n’ont que trop de puissance. Ces représentations entraînent, ravissent avec elles notre volonté. Là est le mal, là est l’esclavage…
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