Longtemps l'Afrique noire a été présentée comme le continent des « sans » : sans État, sans histoire, sans langues... La complexité de ses plurilinguismes en fait pourtant un lieu privilégié d'observation des phénomènes langagiers. L'entrelacs des façons de dire et la teneur des discours épilinguistiques recueillis supposent une refonte épistémologique des approches sociolinguistiques. S'affranchissant de la mise en frontières des langues et des ethnies induite par les discours européens sur les catégories idéologiques, la plasticité de la parole quotidienne s'oppose à l'hypostasie des langues en « identités » qui renverraient à autant d'« origines ».
L'étude des discours publics tenus sur les « langues d'Afrique » depuis les premiers administrateurs coloniaux jusqu'aux récents « entrepreneurs de la tradition » montre combien les langues sont instrumentalisées par la vulgate ethnique. Au Mali, le détour par un multiculturalisme à l'américaine ne suffit pas à empêcher la progression d'un « fondamentalisme linguistique » qui tend à restreindre l'exercice de ses libertés langagières par le peuple malien.
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