Contrairement aux idées reçues, c'est bien la renonciation aux principes essentiels du socialisme sous Gorbatchev et non pas le socialisme lui-même qui a provoqué la crise finale. Tous les ex-Soviétiques en témoignent : c'est de 1987 à 1991 que les pénuries se multiplièrent, que les étagères des magasins se vidèrent, que les salaires ne furent pas toujours versés. Pas avant.
Comment un pays qui avait survécu à la guerre civile, à l'invasion nazie (qui lui coûta 25 millions de morts), à l'encerclement militaire de la guerre froide, a-t-il pu succomber soudainement à l'opportunisme social-démocrate et à l'introduction du capitalisme « par en haut » ?
Fort d'une documentation impressionnante, Roger Keeran et Thomas Kenny étudient les causes profondes de ce drame. Ils décryptent notamment la présence, des années vingt à la chute, d'un courant de pensée réformiste sociale-démocrate, qui s'est peu à peu appuyé sur le renforcement de la « seconde économie ». Trop peu étudiée jusqu'à présent, celle-ci correspond aux éléments de capitalisme qui subsistaient à côté de l'économie collectivisée et n'ont cessé de croître avec le temps.
La leçon fut, certes, très cher payée, mais elle paraît irréfutable : « L'effondrement de l'Union soviétique a montré très clairement non pas que le socialisme fondé sur un parti d'avant-garde, sur la propriété étatique et collective, ainsi que sur un plan centralisé, était condamné à l'échec, mais, au contraire, que tenter d'améliorer une société socialiste existante en suivant une « troisième voie » social-réformiste était catastrophique. La « troisième voie » a mené directement à un capitalisme russe des magnats et des voleurs, et à la soumission à l'impérialisme. L'histoire de la perestroïka, de 1985 à 1991, loin de renforcer la cause du social-réformisme, aura contribué à le discréditer davantage. »
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