À la fin du XIXe siècle, le développement rapide de l'industrie en Russie amène une
partie de l'intelligentsia - cette petite minorité ayant fait des études secondaires - à
s'intéresser au marxisme ; c'est en se référant à ses principes que se crée en 1898 le
Parti ouvrier social-démocrate de Russie. La perspective qu'il adopte, c'est celle de
la mobilisation du prolétariat pour le renversement de l'absolutisme tsariste dont la
bourgeoisie russe, trop faible, est incapable, et la démocratisation de la société nécessaire
au développement économique et au progrès de la classe ouvrière.
Dès cette époque, un révolutionnaire polonais, Jan Maclav Makhaïski, analysant les
oeuvres de Marx et les projets des partis qui s'en réclament, aboutit à une conclusion
extrême : pour lui, l'idéologie socialiste dissimule en fait les intérêts d'une nouvelle
classe ascendante formée par la «couche cultivée», les travailleurs intellectuels. Ces
«capitalistes du savoir» cherchent à séduire les prolétaires et à les entraîner à l'assaut
de cette petite minorité que constituent les «capitalistes de l'avoir», financiers, industriels
et grands propriétaires, non pour détruire le capitalisme mais pour l'aménager
au mieux de leurs intérêts. Exilé, comme nombre de révolutionnaires russes, il rentre
en Russie en 1917. Mais, dès 1918, il déclare que si les bolcheviks se sont révélés plus
radicaux qu'il ne l'envisageait en rompant avec le parlementarisme, l'hostilité de la
«couche cultivée» envers la révolution ouvrière a vite calmé leur ardeur : «Ils ne luttent
pas pour l'émancipation de la classe ouvrière mais ne font avant tout que défendre
les intérêts des couches inférieures de la société bourgeoise et de l'intelligentsia.»
Makhaïski eut peu de disciples ; mais depuis son époque, d'autres auteurs ont cru
voir émerger dans notre société, en particulier à travers les différents projets
socialistes, le pouvoir d'une nouvelle classe qui, à travers toutes les fonctions de
gestion, de recherche, de conseil, d'enseignement, de communication et plus
récemment l'irruption des logiciels dans tous les domaines, façonne l'organisation
du travail et le contenu de la production et s'y assure une place privilégiée. Alexandre
Skirda fait plus que restituer la pensée originale de Jan Maclav Makhaïski : il la met
en perspective et livre ainsi un outil de premier ordre à qui veut approfondir la
compréhension de notre société.
We publiceren alleen reviews die voldoen aan de voorwaarden voor reviews. Bekijk onze voorwaarden voor reviews.