Le sang des lilas autopsie les ressorts sociaux, judiciaires et médico-légaux d'un effarant crime maternel. 1er mai 1885, avant minuit : dans le faubourg de Saint-Gervais à Genève, rompue par les fardeaux du chagrin, Jeanne Lombardi égorge ses quatre enfants endormis. Après les avoir recouverts de lilas blanc, elle tente de se suicider. L'hécatombe secoue la cité. Le fait divers focalise l'attention de la presse suisse et étrangère. En Belgique, un quotidien évoque la « cause célèbre à Genève ». Aux funérailles des innocents, affluent 12 000 personnes ! Mère dénaturée ou « aliénée pitoyable » ? Culpabilité ou « dérangement cérébral » ?
Documentée par plusieurs expertises sur l'état mental de la « Médée de Coutance », l'instruction mène en juin 1886 au procès mémorable de la mère égorgeuse qui a rédigé une Autobiographie. Les débats évoquent la nature controversée de la démence criminelle. Défenseur de l'accusée, le ténor humaniste du barreau Adrien Lachenal plaide l'aliénation mélancolique et le « suicide élargi » de Jeanne Lombardi. Le verdict négatif du jury conduit au placement administratif à l'asile des aliénés. En 1894, après avoir obtenu un nouvel examen mental, elle en sort guérie avec l'aval du psychiatre Auguste Forel, puis gagne Sétif en Algérie.
Au « moment aliéniste », le procès fait date. En 1887, le Code d'instruction criminelle de Genève intègre enfin la question légale de la folie pour jauger la responsabilité. Du crime « contre nature » au cas emblématique dans la littérature criminologique et psychiatrique, l'affaire Lombardi illustre la médico-légalisation de la folie homicide et le reflux du pénal devant le pathologique.
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