Lorsqu'il entreprend, vers 1160-1170, de conter «l'histoire de Troie», Benoît de Sainte-Maure s'inscrit dans une mode et dans un courant littéraire : dans l'entourage d'Henri II Plantagenêt et d'Aliénor d'Aquitaine, d'autres écrivains, avant lui ou autour de lui, ont adapté en français, «mis en roman», à l'intention d'un nouveau public, des œuvres majeures de l'Antiquité latine. Les sources qu'utilise Benoît sont plus modestes ; du moins sont-elles perçues par l'écrivain et par ses lecteurs comme relations véridiques de la guerre de Troie. Benoît respecte avec zèle la trame solide qu'elles déploient. Mais leur relative indigence lui permet aussi de faire très librement «germer, fleurir et fructifier» la matière héritée, en entrelaçant habilement aux exploits guerriers des héros grecs et troyens le récit de leurs amours impossibles : amours condamnées de Jason et de Médée, de Pâris et d'Hélène, de Troïlus et de Briséida, d'Achille et de Polixène.
Troie doit être détruite ; ainsi l'exige la vérité historique. Mais l'art abouti de Benoît reconstruit, pour le Moyen Age, voire au-delà, l'image fascinante d'une civilisation parvenue à son apogée, d'une cité splendide, origine et source de tous les peuples de l'Occident chrétien.
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