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Édité, pour la première fois, en 1974, cet essai sur le théâtre de Victor Hugo fit date. Plus de 25 années après, et avant le bicentenaire de l'une de nos gloires nationales, Anne Ubersfeld nous en propose une version revue. Même si, intellectuellement, Victor Hugo remporta la bataille d'Hernani, son théâtre fut un échec renouvelé — ce qu'étudie la première partie, consacrée à la genèse des drames et à leur accueil par la critique et le public. Hugo, tout arriviste qu'il soit, refuse de flatter, tour à tour, l'élite et le grand public. Il s'efforcera de créer un nouveau public, qui serait un et populaire, en donnant - la même année - une pièce à la Porte Saint-Martin et, l'autre, à la Comédie française, déjà subventionnée. Les drames de Hugo ont été approuvés ou condamnés (surtout condamnés), en fonction d'une idéologie qui n'était pas la sienne ou, plus exactement, pas la leur. Ce que ses ennemis ne peuvent pas lui pardonner, et ce que ses amis ne peuvent pas comprendre, c'est une subversion de plus en plus affirmée de l'écriture dramatique, c'est l'invention d'un code, qui n'est ni celui de la tragédie, ni celui du drame bourgeois, ni celui du mélodrame : l'utilisation - simultanée - du sublime et du grotesque. Si le théâtre de Hugo ne fut pas de son temps, c'est pour quatre raisons essentielles : - le poète se détache du "je" lyrique ; - il fait parler le "je" grotesque ; - ce "je" étant théoriquement inapte à la parole, la parole du grotesque-peuple finit par n'être plus parole de personne ; - cette mise en question du sujet entraîne la destruction simultanée du "je" et de l'autre. Si notre temps l'accepte, c'est par l'inacceptable cruauté de Hugo, proclamant la légitimité de la revendication du monstre et l'anéantissement mutuel du bourreau et de la victime.