De passage en Alsace en 1932, Picasso avait été frappé par les dimensions et la puissance du Retable d'Issenheim, peint par Grünewald et aujourd'hui conservé au musée Unterlinden à Colmar. Achevé en 1937, Guernica en porte l'empreinte.
Face au Retable, Margherita Guidacci (1921-1992) médite la présence du mal et de la violence dans l'homme à travers les siècles. Car la beauté renversante des peintures fait apparaître avec plus de cruauté encore le cortège de souffrances et de malheurs dont, hier et aujourd'hui, l'homme est tout à la fois le coupable et la victime.
« Confrontons / nos cauchemars, Mathis : lesquels choisirons-nous ? », s'interroge-t-elle. D'un côté, l'humanité du XVIe siècle, frappée par les épidémies, les guerres, les famines. Grünewald nous montre les corps mutilés et pourrissants, les visages affolés, les hurlements. De l'autre, le monde moderne, où le mal prend le visage des armes les plus sophistiquées et du terrorisme.
Et quel plus terrible symbole de ce dernier que l'attentat à la gare de Bologne, le 2 août 1980, le plus meurtrier en Europe jusqu'aux événements de 2015 à Paris ? Sur le mur de la gare de Bologne, l'horloge reste aujourd'hui encore bloquée à 10 h 25, heure de l'explosion.
Margherita Guidacci a publié ses deux grands cycles poétiques, Le Retable d'Issenheim (1980) et L'Horloge de Bologne (1981), à un an de distance. Avec le recul du temps les deux font résonner la même éternelle plainte de l'humanité souffrante.
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