
Cet ouvrage renouvelle de manière fondamentale la pratique éthique, en
affirmant avec vigueur que la réflexion morale ne saurait être considérée
en dehors du contexte social et politique dans lequel elle est formulée.
Si la philosophie morale a par nature tendance à idéaliser le sujet moral
en lui conférant une autonomie trop vite considérée comme allant de soi,
il importe de contrer cette tendance en prenant comme point de départ
l'expérience indépassable du caractère relationnel de chaque vie. Aucune
vie ne saurait se dire à soi, parvenant à construire le récit adéquat de
son déroulement, ni revenir sur son émergence dans le monde. Ce qui
se soustrait à elle, ce sont non seulement les conditions de sa naissance
et de son développement, mais aussi les formes sociales qui la rendent
lisible. La reconnaissance de soi par soi est incomplète, lacunaire. Située
dans le récit des autres, elle est hantée par les formes de justification qui
en découlent et achèvent de rendre toute procédure de reconnaissance
impossible. Le rapport à l'autre devient constitutif de l'impossible
rapport à soi.
C'est dans ce contexte de dépossession qu'il devient urgent, selon Judith
Butler, de procéder à une enquête sur les conditions de possibilité
d'une relation morale à soi et aux autres qui ne fasse pas violence à
un tel contexte mais le prenne au contraire en considération. Car
l'éthique est violente dès lors qu'elle s'arroge le droit de dépasser
les contextes singuliers dans lesquels se trouvent placées les vies pour
formuler des prescriptions universelles.
We publiceren alleen reviews die voldoen aan de voorwaarden voor reviews. Bekijk onze voorwaarden voor reviews.