Je voudrais qu'on oublie aussi mes ossements, mais
dans un bordel. Et que les femmes s'en servent comme
canules pour leurs bocks, comme fume-cigarettes,
comme sifflets.
Chef-d'oeuvre publié en 1954, Le
Quart, roman du poète grec Nikos
Kavvadias, est une odyssée moderne
d'une noirceur totale.
On y suit les errements d'une embarcation
sans âge, en route vers la
Chine. Cercueil flottant, le cargo et
son équipage voguent sans cesse vers
d'autres ports, d'autres maraudages,
d'autres bordels et d'autres putains.
Entre deux escales, les marins grecs
qui se trouvent à bord nous livrent
sans pudeur leurs misérables existences ;
ils ressassent leurs aventures, leurs
amours, leurs échecs, avec une amertume
et une mélancolie abyssales.
À travers la voix de ces hommes de quart qui ne nous
épargnent rien de la cruauté et de l'obscénité de leur
univers, Kavvadias parle de l'absurdité humaine mais
aussi et surtout de la mer, ce lieu mythique que, de
Conrad à Cendrars, nul n'a si bien décrit que lui.
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